Le vinaigre, 5000 ans d’histoire et de rebondissements
Les origines du vinaigre
Le vinaigre existe depuis la nuit des temps. On trouve dans la Grèce antique et la Rome antique de nombreuses références aux vinaigres de vin et de miel. En Asie, c'est du vinaigre d'alcool de riz que l'on produit depuis plus de 4000 ans. Et chaque région du monde possède sa propre tradition vinaigrière, adaptée aux ressources naturelles locales : la sève de palmier en Inde, les figues en Egypte, les prunes au Japon...
On suppose que les premières productions de vinaigre se sont faites par hasard, du liquide alcoolisé ayant été mal bouché ou abandonné à l'air libre. A l'époque, on ne savait pas pourquoi certains fûts se transformaient en ignoble piquette, tandis que d'autres devenaient vinaigre (grâce à la présence du fameux acétobacter). Ce n'est qu'au Moyen-âge que l'on commença à cerner de manière empirique les bonnes conditions pour produire du vinaigre. Une tâche alors confiée à la corporation des vinaigriers.
Mais il faut attendre le XVIIIe siècle pour que soit établi le processus de double fermentation (d'abord alcoolique, puis acétique). Un chimiste hollandais, le Dr. Boerhaave, est à l'origine de cette découverte en 1730. C'est lui qui souligne le premier la différence entre fermentation acétique et fermentation putride.
Cependant, personne n'a encore identifié le rôle décisif du micro-organisme acétobacter. Il sera découvert en 1822 par le botaniste hollandais Persoon, qui le baptisera mycoderma aceti.
La dernière étape majeure dans la "science du vinaigre" est associée au nom du grand chercheur français Louis Pasteur. A la demande, notamment d'industriels Lillois désireux de mieux maîtriser la fabrication du vinaigre, il se lance dans des recherches sur les fermentations du vin, de la bière et du vinaigre, qui dureront 20 ans. Il parviendra à dissiper toutes les zones d'ombres en déterminant exactement le rôle des ferments (des organismes vivants de très petite taille), et plus précisément celui du mycoderma aceti. Il démontrera aussi ses conditions de développement au contact de l'oxygène.
La boisson des anciens
Depuis toujours, l'Histoire de l'humanité est liée à ce "vin aigre" dont parlent les anciens. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à lire Aristote ou Sophocle. En effet, chez les Romains, comme chez les Grecs, le breuvage le plus usité restera longtemps l'eau additionnée d'un vinaigre léger. Il sert à tout, non seulement de boisson rafraîchissante, mais également de condiment. On l'aromatise avec des herbes, des fleurs ou des fruits. Le vinaigre est aussi apprécié pour conserver le gibier et pour ses propriétés thérapeutiques…
Sans doute est-ce le premier antibiotique naturel de tous les temps. D'où son emploi contre "les miasmes" (les germes fuient les milieux acides) et plus tard contre la peste…
Les plus folles expériences
Au fil des siècles, le souci premier est d'accélérer sa fabrication et les recettes vont bon train. D'autant que les vinaigriers - la corporation remonte à 1394 - ont remarqué que les matières vivantes accélèrent l'acétification.
Dès lors, tout est bon : sarments de vignes, ronces, légumes, jusqu'aux langues des poissons que l'on jette dans le vin !
Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que les savants cherchent enfin à percer le mystère du vinaigre.
Certains affirment qu'il pique la langue… à cause des fines aiguilles qui se forment quand il cristallise ! D'autres attribuent à tort sa naissance à la "mère" qui désigne alors à la fois le tonneau du fabricant de vinaigre… et la masse gélatineuse qui flotte dans ce dernier.
Bon à savoir
Le vinaigre ne contient quasiment plus d'alcool mais de l'acide acétique. Le degré indiqué sur le vinaigre est la mesure de cette acidité et non la mesure d'une certaine proportion d'alcool.
Source : Vinaigres : Relevez le goût du bien-être, Natacha Duhaut, Anagramme éditions, 2006