L’histoire du piquant
Les Grecs et le vinaigre
Les Grecs vont développer très tôt la culture de la vigne dans leur aire d'influence; elle s'acclimate en effet parfaitement aux régions méditerranéennes, ce qui permet d'obtenir de bons crus et des récoltes abondantes.
Le vin, qu'ils exportent dans toute la Méditerranée, bien plus que l'olive ou la figue, constitue pour eux une source intarissable de profits. La fabrication du vinaigre avec du vin a d'ailleurs rarement été autant mise en valeur que chez eux : chaque vinaigre, comme les meilleurs vins, était distingué selon son cru, sa provenance.
Du potager à la conservation
Les Romains ont une réelle prédilection pour l'ensemble des produits de leurs jardins; à tel point que chaque citoyen veut un espace où cultiver ses plantes, même en ville.
Grâce à l'élaboration de nouvelles techniques d'irrigation, de fumure et d'exposition des sols, pendant huit mois de l'année, le jardin va pouvoir fournir légumes verts, raves, tubercules, bulbes comestibles, choux de différentes espèces, salades, poireaux, carottes, prunes, poires, mais aussi toutes sortes d'herbes à cuire dont ils raffolent.
Ils le dénomment pour cette raison "le second saloir du paysan". Mais comment préserver du processus de putréfaction le concombre, la laitue, les câpres, le panais, l'oignon, etc. ?
Si les méthodes de séchage, de salage et de fumage peuvent convenir aux viandes, aux poissons et à certains fruits et légumes comme les haricots, les abricots et les figues, les câpres, en revanche, se gâtent rapidement lorsqu'on les met dans le sel. Les Romains vont observer qu'en soustrayant les aliments du contact de l'air, leur durée de consommation se prolonge. Ils tentent alors différentes expériences, et enduisent les fruits de terre à potier après les avoir enveloppés dans des feuilles de figuier, ou enfouis dans de la sciure de bois peuplier... Mais la solution est ailleurs.
Comme chez les Grecs, le vin demeure pour les Romains une source de profits considérables : certains marchands n'hésitent pas à traverser les Alpes pour échanger en Gaule amphores de vin contre esclaves.
Les producteurs sont donc très nombreux et la production débordante.
Malheureusement, les soins apportés au vignoble, à cette époque, demeurent très insuffisants. Le vin est faible et de mauvaise garde, pas plus de quelques semaines la plupart du temps, si l'on n'a pas pris de précaution.
C'est là qu'avec leur génie, les Romains, agriculteurs dans l'âme, choisissent de l'employer pour conserver leurs légumes préférés en les plongeant dans un mélange composé le plus souvent pour deux tiers de vinaigre et un tiers de saumure, auquel ils ajoutent du miel ou du vin cuit. Les recettes à base d'olive, fruit bientôt le plus conservé, sont innombrables.
Columelle, agronome du 1er siècle, dans son ouvrage De re rustica, ne cite pas moins de cinquante fruits ou légumes susceptibles d'être confits dans le vinaigre.
Il est également fréquent de trouver des recettes pour conserver graines, herbes, racines, viandes, poissons et crustacés (les huîtres, par exemple).
Source : Le vinaigre dévoilé, Caroline Lefebvre, Aubanel, une marque des Editions Minerva, 2000