La découverte des saveurs vinaigrées
Le vinaigre dans la gastronomie
Les vinaigres aromatiques, dont la mode sera reprise par Maille dix-sept siècles plus tard, vont permettre d'exalter et de condenser tant les effets que les senteurs des herbes et des épices les plus fines, en les unissant complètement au corps principal de la recette. Les grands cuisiniers vont rapidement choisir de les intégrer à leurs sauces.
Dans son ouvrage intitulé « De re coquinaria », un disciple du célèbre gastronome Apicius, sous l’empereur Tibère, nous apporte des renseignements sur les coutumes culinaires de l'époque impériale. Il est notamment intéressant de noter que plus de 40% des recettes citées utilisent le vinaigre comme ingrédient. Et il est encore plus frappant de remarquer que chaque fois que la cuisine de cette époque réclame une saveur piquante, elle fait systématiquement appel à lui, et non à des fruits aux saveurs acides ou acerbes, comme ce sera le cas dans la cuisine française originelle.
Vinaigre et épices
Si le vinaigre est rarement employé seul dans l'élaboration des sauces, son rôle reste néanmoins capital. A l'aide d'un mortier, on pratique un mélange pilé dans lequel le vinaigre (comme le garum qui était un condiment à base de poisson proche du nuoc-mâm vietnamien et qui faisait office de sel) est utilisé pour dissoudre les épices et le sel, qui n'est jamais employé sous forme de cristaux.
Dans la recette de l'"oxygarum", condiment très apprécié, les épices sont pilées et liées avec du miel. On le consomme délayé dans un mélange de garum et de vinaigre. Le mariage entre vinaigre, garum et miel est le plus recherché. L'attirance pour les saveurs aigres-douces est énorme.
Il existe heureusement des compositions plus simples : la sauce vinaigrette et la moutarde, qui restent aujourd'hui les seuls descendants gastronomiques de cette époque.
Ce que l'on retiendra de la cuisine romaine, c'est sa grande complexité. Martial (Ier siècle) nous surprend même, à une époque où certains Romains versaient dans les excès, en cherchant à faire l’éloge de sa frugalité : "Mon intendante m'a apporté [...] les richesses variées dont se pare mon jardin : la laitue aplatie et le poireau à sectionner en tranches, sans oublier la menthe flatteuse, ni la roquette qui porte à l'amour. Des œufs coupés menu couronneront des anchois sur un lit de rue, et il y aura des tétines de truie relevées par de la saumure de thon. Voilà pour les hors d'œuvre..." !
Source : Les vertus du vinaigre, Anne Lavédrine, éditions Michel Lafon, 1997